2014/15 : L'épopée monumentale

Par Matthias Van Halst, Eric Chenoix et Martin DesGroseilliers

 Impact de Montréal
 
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Quelques mois après un retour tout aussi décevant qu'attendu en Ligue des champions en 2013, les supporters montréalais n’espèrent qu’une chose : retrouver au plus vite la scène internationale pour que cet affront soit lavé. L’équipe n’avait pas tellement changé, puisque l’entraîneur Marco Schällibaum avait été accablé pour la difficile fin de saison 2013, et remplacé par Frank Klopas, alors que le groupe de joueurs avait été conservé quasiment dans son intégralité. Perkins, Camara, Ferrari, Bernier, Felipe, Mapp et Di Vaio sont encore les fers de lance de l’équipe.

Néanmoins, la solution prônée par la direction n’a pas porté les fruits escomptés. Au moment de disputer la demi-finale de la Coupe du Canada (rappelons que le tournoi compte alors modestement cinq équipes et que les pensionnaires de MLS entrent en lice à ce stade-là), Montréal se retrouve avec à peine 6 points sur 24 en championnat et a dû attendre la huitième et dernière de ces rencontres pour remporter sa première victoire.

QUALIFICATION DANS LA DOULEUR

Si les doutes habitent déjà tous les esprits, le double duel contre Edmonton, dernier de D2, doit néanmoins s’apparenter à une promenade de santé, idéale pour retrouver la confiance. Ce ne sera pas le cas puisque malgré l’ouverture du score, un Impact sans âme ni volonté s’incline 2-1 au match aller. Alors qu’il avait laissé des ténors de l’équipe au repos en Alberta, Klopas aligne les meilleurs joueurs à sa disposition au retour, et ils retournent la situation non sans mal. Emmené par un grand Mapp, Montréal mène 3-0 à l’heure de jeu avant de prendre deux buts synonymes d’élimination virtuelle. Il faut d’interminables arrêts de jeu et un penalty très généreusement accordé pour offrir aux bleus, blancs, noirs une victoire 4-2 au retour, synonyme de qualification arrachée par la peau des dents.

Alors que les choses ne s’arrangent pas en championnat, avec quelques humiliations régulières, la Coupe du Canada devient une ultime planche de salut, ô combien salvatrice tant on connaît l’importance d’une qualification en Ligue des champions aux yeux des supporters. Cela n’empêche pas l’entraîneur de prendre quelques paris en défense lors du match aller à Toronto, en titularisant notamment Nelson Rivas, dont le retour attendu depuis de longs mois se termine par une sortie sur blessure dès la troisième minute.

Après une première mi-temps affligeante de la part des deux équipes, voyant les Ontariens marquer sur la seule occasion digne de ce nom, Montréal montre un visage plus agréable au retour des vestiaires et Mapp inscrit un but dont il a le secret pour mettre son équipe en bonne position (1-1) avant le match retour.

Celui-ci est de meilleur niveau, même si les occasions sont rares. La faute aux deux défenses, qui se mettent davantage en valeur, mais aussi à une équipe de Toronto incapable de faire le jeu. Les visiteurs passent donc l’essentiel de la rencontre à tenter de se créer des occasions, mais leur course derrière l’indispensable but ne semble jamais en mesure de réussir. Malgré tout, le suspense reste haletant : un but, et tout bascule. C’est finalement Felipe qui l’inscrit dans les arrêts de jeu, provoquant des scènes de liesse au stade Saputo. Le livre « Ligue des champions, chapitre III » peut commencer à s’écrire.

LE SÉRIEUX RÉCOMPENSÉ

À ce moment-là, il est prématuré de dire que la saison est sauvée, mais au moins, elle n’allait pas se résumer à une longue agonie - ce qu’elle a été en championnat, avec deux moitiés de compétition identiques lors desquelles l’Impact a à chaque fois remporté 14 malheureux points sur 51. Le tirage au sort du premier tour de la Ligue des champions laisse entrevoir quelques possibilités intéressantes, avec pour adversaires les New York Red Bulls (États-Unis) et le CD FAS (Salvador).

Certes, en championnat, New York est bien plus solide que Montréal, même si son début de saison n’a pas été des plus simples. Mais rien ne dit que les Américains ne tomberont pas dans le travers de snober la compétition, comme c’est le cas de trop d’équipes de MLS. Quant aux adversaires salvadoriens, l’histoire récente a montré qu’il ne faut certes pas les prendre à la légère car ils sont capables de l’un ou l’autre exploit, mais que leurs bons résultats sont bien moins réguliers que ceux de leurs voisins guatémaltèques (un an plus tôt, l’Impact avait dilapidé ses chances de qualification face à Heredia). De son côté, Montréal n’ayant rien d’autre à gagner, il allait sans le moindre doute se donner à fond.

Le calendrier est également très favorable aux Montréalais, puisqu’ils commencent par le match à domicile contre FAS, de quoi voir de quel bois cet adversaire se chauffe avant de prendre la direction du Salvador deux semaines plus tard… sans que New York n’ait disputé le moindre match ! Un 6/6 permettrait déjà de faire un sérieux trou et de prendre un adjuvant moral. Mais on le sait dans cette compétition : il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, et prendre un match à la fois.

À commencer par celui de ce 5 août 2014 au stade Saputo. Dès le coup d’envoi, le manque de confiance qui habite l’Impact est criant, comme chaque semaine en championnat. Mais son adversaire ne parvient pas à se créer d’occasions. Au fil des minutes, Di Vaio et Romero arrivent à porter le danger devant le but adverse, et toute l’équipe trouve ses marques, avec à la clef un but de l’attaquant italien. Ce sera le seul du match. Les visiteurs, bien intentionnés mais imprécis, ne se sont pas montré dangereux, même si la victoire est quand même acquise dans le stress après l’exclusion de Camara à 20 minutes du terme.

Quinze jours plus tard à Santa Ana, avec la meilleure équipe montréalaise possible sur le terrain, les effluves de 2008 se font rapidement sentir : Montréal marque en début de match, Romero et Di Vaio lui donnant deux buts d’avance. Mais alors que Bush avait été peu inquiété pendant une demi-heure, il doit se retourner sur un tir des 30 mètres qui relance le suspense. Juste après la pause, il est pris à contre-pied sur un penalty généreusement accordé. Égalité ! FAS veut gagner, l’Impact est dans ses petits souliers. Mais Piatti, un technique argentin arrivé pendant le mercato estival, se réveille et force un autre penalty généreux, converti par Di Vaio (2-3). Cette fois, Montréal n’allait plus laisser filer son avance, même s’il a une nouvelle fois fini à dix, Felipe voyant rouge à un quart d’heure de la fin.

Le six sur six est dans la poche. Reste à écarter New York, qui a rempli la première partie de sa mission en s’imposant 2-0 contre FAS. Là encore, le premier duel est programmé au stade Saputo. Une victoire et Montréal a un pied et quelques orteils en quart de finale. Même si au coup d’envoi, trois points séparent les deux équipes, seule l’une d’entre elles monte sur la pelouse avec des ambitions - Montréal - pendant que les visiteurs alignent des jeunes et des réservistes, laissant ses vedettes Henry, Luyindula, Cahill et autre McCarty au repos. Après 20 minutes, Di Vaio a déjà puni une défense adverse manquant de concentration et de discipline. Si ensuite, les visiteurs ont l’essentiel de la possession de balle, ils n’en font rien, Bush passant une soirée somme toute tranquille. Le résultat (1-0) n’est jamais remis en cause, encore moins après une nouvelle exclusion en fin de match, celle de Lade, un adversaire cette fois.

New York n’a plus qu’une possibilité de se qualifier pour le tour suivant : en remportant ses deux dernières rencontres, à commencer par le déplacement à FAS. Si Thierry Henry y a encore été laissé au repos, les Américains ne prennent pas le déplacement complètement par-dessus la jambe. Leur attitude générale reste toutefois celle affichée depuis le début de la compétition et, s’ils auraient bien voulu gagner, leurs vains efforts tournent au fiasco avec, entre autres, un penalty raté. Verdict, un 0-0 qui a pour principale vertu d’officialiser la place de Montréal au tour suivant.

Il reste toutefois un duel à disputer, avec un certain enjeu tout de même : en cas de victoire à New York, Montréal s’assure d’éviter un club mexicain au tour suivant et de faire partie des têtes de série, disputant donc le match retour à domicile. Face à un adversaire qui a une fois de plus laissé ses meilleurs joueurs au repos, l’Impact monopolise le ballon sans en faire grand-chose. Le match peu emballant est riche en erreurs génératrices d’occasions, et on croit à la libération lorsque McInerney ouvre la marque à 20 minutes de la fin. L’égalisation de Lade donnera son allure finale au score (1-1), laissant une nouvelle fois un goût de trop peu qualifier la prestation des hommes de Klopas.

Malgré tout, l’essentiel est assuré : une qualification pour les quarts de finale de la Ligue des champions. On ne va certainement pas bouder notre plaisir ! D’autant que les résultats des autres groupes ont finalement été favorables, octroyant le statut de tête de série à Montréal : le duel décisif se jouera donc au Québec dans un Stade Olympique, espère-t-on, plein à craquer. Pour cela toutefois, il faudra éviter la déroute à l’aller contre un adversaire mexicain que l’on n’a pas pu éviter. Après Santos Laguna sept ans plus tôt, nous allons découvrir Pachuca, un club redoutable. Les choses plus sérieuses peuvent commencer.

Malgré les piètres prestations en championnat, l’engouement monte vite à son comble ! Tristes du départ de Di Vaio qui a pris sa retraite à la fin de la saison 2014, les supporters voient toutefois d’un bon œil les nombreuses arrivées, de Ciman à Toia en passant par OduroReo-Coker ou Donadel, qui débuteront sous leurs nouvelles couleurs, non pas en MLS mais bien en quart de finale de la Ligue des champions. Soyez les bienvenus à Montréal !

SURPRISE, MOT COMPTE DOUBLE

Malgré tout, il faut être honnête : l’espoir est mince. Les échecs des clubs de MLS face à leurs rivaux au sud du Rio Grande sont légion. Qui plus est, l’équipe a terminé au dernier étage du classement la saison précédente, l’effectif a été chamboulé à outrance (ce qui allait forcément entraîner une absence de cohésion et d’automatismes pas encore développés à ce stade-ci) et contrairement à leurs rivaux Mexicains, dont le championnat est à ce moment déjà bien entamé, les Montréalais n’ont encore aucun match officiel dans les jambes. Tout ceci ne laisse guère présager de grandes choses, en effet. Mais sait-on jamais, tant qu’à être là, essayons. Au moins.

Sans le crier haut et fort, tous n’espèrent qu’une chose : qu’il y ait un match retour. En plus clair, ceci signifie que l’Impact ne se prenne pas une raclée à l’aller, disputé loin là-bas, le 24 février 2015, et qu’il y ait toujours de l’espoir pour le retour, une semaine plus tard au Stade Olympique, question que l’engouement et la ferveur ne soient pas relégués au département des projets abandonnés. Genre une défaite pas trop lourde. Un but d’écart, maximum deux, disons.

Pfff… Pfff… Deux fois, oui oui ! Car ce sont deux buts que les Montréalais inscrivent sur la pelouse adverse, avec à la clef un résultat nettement au-delà des attentes. Deux buts, mais un seul nom : Dilly Duka. Son premier, à la 25e minute, est inscrit suite à une incursion déterminée à travers la défense adverse suivie d’une frappe croisée depuis l’axe, à l’entrée de la surface : Perez, scotché sur ses appuis, regarde le ballon rouler tranquillement sur sa droite jusqu’à la destination finale (0-1). Mapp y va aussi d’un bel effort individuel à la 53e, laissant derrière lui trois adversaires avant de tenter sa chance, encore d’une frappe croisée à la droite du portier adverse. Le ballon bloqué, mais non maîtrisé par celui-ci, aboutit directement dans les pieds du numéro 11 (de l’époque, hein), qui n’a plus qu’à le pousser au fond des filets (0-2).

Après avoir analysé la vidéo de ces deux buts, sur lesquels le gardien vétéran arborant fièrement la barbichette n’est pas sans reproche, le staff technique montréalais devait sans doute avoir indiqué aux joueurs – lors de la préparation du match retour – d’effectuer un maximum de déplacements balle au pied, suivis d’une frappe croisée. Perez était sans doute absent à l’école lors du cours sur la prise d’appuis dans le temps de frappe : au moment où l’attaquant arme le tir, le gardien doit être sur ses appuis s’il veut optimiser ses chances de réussite. Or, lors des deux occasions, il a effectué, de manière inexplicable, un léger déplacement du côté opposé à la trajectoire du ballon juste au moment de la frappe, bafouant ainsi l’un, sinon le plus important des principes de jeu du gardien. C’est très surprenant de la part d’un joueur aussi expérimenté, surtout que les actions étaient somme toute sans complexité. Mais on ne s’en plaint pas.

De retour au match, car ça chauffe à l’autre bout du terrain. Ils sont susceptibles et rancuniers, ces Mexicains. Et ils ne tardent pas à l’exprimer et à le laisser savoir à leurs invités. Deux fois plutôt qu’une. D’abord suite à un magnifique coup franc du gauche d’Olvera à la 57e (1-2). Onze minutes plus tard, c’est au tour de Nahuelpan de faire pleurer les filets derrière Bush qui, à l’instar de son vis-à-vis, aimerait lui aussi se reprendre sur cette action (68e, 2-2). Le reste de la rencontre est nettement à l’avantage des locaux, mais seules les minutes changent au marquoir et les deux équipes se donnent rendez-vous la semaine suivante sur ce partage 2-2.

Suite à ce résultat, favorable aux Montréalais, les sentiments sont partagés. D’une part, on ne peut que se féliciter de revenir à la maison avec un nul et deux buts en banque. D’autre part, on se doit d’être déçu de ne pas avoir su assurer et conserver l’avance. Mais maintenant, avec le recul, on peut affirmer que c’était parfait ainsi. Juste parfait. Et c’était également juste parfait que ce penalty soit sifflé à la 80e minute du match retour. Mais attendons, nous n’y sommes pas encore.

LE BUT DE CAMERON PORTER

En ce 3 mars 2015, le Stade Olympique retrouve la Ligue des champions, six ans après. Cette fois, les circonstances sont différentes : Montréal est en MLS, ce n’est plus le petit poucet qui découvre la compétition, il a déjà joué le duel au Mexique et il est dans la meilleure position après le match aller. Reste que les Mexicains sont néanmoins encore favoris. Parce que dans cette compétition, les Mexicains sont toujours favoris, quoi qu’on en dise. Alors, ils tentent de faire le siège du but de Bush pour, enfin, prendre l’avance. Dans les tribunes, l’attente stressée gorgée d’espoir est entrecoupée par quelques grosses frayeurs et quelques moments d’enthousiasme. Mais le suspense est à couper au couteau : on approche de la fin du match, aucun but n’est tombé.

Voilà donc la fameuse 80e minute. Ciman et Cano sont en duel dans le rectangle. En retard, le défenseur tente d’arrêter son adversaire, qui n’en demande pas tant pour chuter. C’est léger, mais pour l’arbitre, c’est penalty. Cano le convertit. 0-1, mais surtout 2-3 sur l’ensemble des deux rencontres. Pour la première fois depuis le coup d’envoi du match aller, Montréal est virtuellement bouté hors de la compétition. Chaque seconde qui passe rapproche un peu plus les Montréalais de l’élimination. Les trois coups de sifflet résonneront incessamment, et ce sera la fin. Et pourtant, ce 1-1 serait synonyme de qualification grâce aux buts à l'extérieur. La tension est à son comble, l’anxiété s’accentue, le désespoir est palpable, l’envie de voir ce truc arriver laisse tranquillement place à la résignation. Ça s’est toutefois produit à maintes reprises par le passé. Pourquoi pas pour nous aussi ? Maintenant ! Pourquoi pas juste une fois ? Immédiatement. Là. Surviendra-t-il ? Un joueur se lèvera-t-il ? Quelqu’un surgira-t-il avant que le méchant arbitre ne porte son sifflet à la bouche ?

Il ne reste que des miettes à jouer – précisément 58 secondes des quatre minutes de temps additionnel – lorsque les locaux, résilients, sont emportés par un moment de folie, bercés par une inspiration divine. Le tout débute par une balle prophétisée de plusieurs mètres envoyée par Callum Mallace à Porter, posté non loin de la surface de réparation adverse. « Lorsque je suis entré à la 85e minute, je n’avais qu’une seule et unique chose en tête : courir jusqu’à ce que je marque un but. La consigne du coach était d’ailleurs très simple : il m’a dit de faire ce que j’ai toujours fait à l’université (NDLR : marquer des buts ; il en a enfilé 15 en 17 matchs en 2014). » Le joueur de 21 ans, aux allures de jeune collégien et fraîchement arrivé de l’Université Princeton, anonyme 45e choix du SuperDraft quelques semaines auparavant, ne devrait même pas être là. Plusieurs joueurs bien plus prometteurs venus des rangs universitaires peinent à transformer l’espoir et le rêve en réalité, et s’en retournent bredouilles dans les rangs inférieurs. Porter, lui, est arrivé sans complexe et dans la discrétion la plus totale, et a fait tout le contraire. Il a impressionné et a obtenu son contrat pro avant de faire partie des 18 en Ligue des champions. Le voici désormais sur le terrain dans une situation aussi compromise que claire : il faut marquer (et ne pas encaisser) ou sinon c’en est fait de cette nouvelle aventure continentale. Il porte sur ses épaules, au même titre que les dix autres joueurs montréalais sur le terrain (Bush montera dans la surface adverse lorsqu’on lui fera signe d’y aller), la responsabilité de soulever tout un stade, qui n’attend plus que ce fameux truc afin de s’émanciper, footballistiquement parlant.

Trêve de métaphores, la balle est on ne peut plus chirurgicale, parfaitement fixée et millimétrée. Le contrôle orienté de la poitrine, somptueusement orchestré, magistralement dirigé dans l’espace, est digne d’une gestuelle de classe mondiale. Puis, après s’être débarrassé de son marqueur, Porter (moins de 20 minutes d’expérience professionnelle) se retrouve seul en duel face à Oscar Perez (42 ans, plus de 600 matchs professionnels et 55 sélections en équipe nationale). Toujours sans complexe aucun. Le reste est indescriptible. L’auteur de ces lignes refuse d’ailleurs de décrire la conclusion de l’action et de ce qui s’en suit, de peur de ne pas rendre justice à ce moment des plus grandioses. De plus, le lecteur peut revoir ce but, ce truc qui est finalement arrivé, dans la langue de son choix : français, english, español. À savourer chaque semaine ! Et sur l’écran du stade avant chaque match à Montréal depuis. Ça va de soi !

Il entre dans la catégorie de ces buts qui sont gravés à jamais dans la mémoire des amateurs, pour les bonnes ou les mauvaises raisons, et qui rendent l’issue d’un match dramatique dans ses ultimes instants. 4 juillet 1998, Stade Vélodrome, Marseille. Quart de finale de la Coupe du monde entre les Pays-Bas et l’Argentine (2-1). 90e minute : Frank de Boer envoie une très longue transversale à Dennis Bergkamp, qui se débarrasse d’Ayala avant de battre Roa et de propulser les Pays-Bas en demi-finale. 26 mai 1999, Camp Nou, Barcelone. Finale de la Ligue des champions européenne entre Manchester United et le Bayern Munich (2-1). Menés 0-1, les Mancuniens inscrivent deux buts – signés Teddy Sherringham et Ole Gunnar Solskjær – dans les arrêts de jeu, réussissant ainsi leur remarquable triplé Coupe, Championnat, Ligue des champions. Ils font partie des plus connus sur la scène internationale. Chaque supporter a aussi en mémoire ceux dont son club favori a été l’auteur ou la victime, qui les a fait bondir de joie ou s’effondrer de peine. Ah, Santos Laguna… Il aura donc fallu six ans pour prendre le dessus sur ce traumatisme.

Ces quelques minutes constituent désormais le chapitre le plus mémorable de l’histoire du club et resteront gravées à jamais dans l’esprit des supporters montréalais, particulièrement dans celui des (seulement) 37 897 présents sur place – qui ont vu et vécu ce truc, ce grand truc, qui n’arrive, en outre, que très rarement. Il s’agit sans conteste du plus grand but (ou point, selon le sport) marqué par une équipe montréalaise, tous sports confondus. Le football est le sport le plus émotif qu’il soit. En ce soir du 3 mars 2015, c’est Montréal qui en est le témoin privilégié. Mondialement. Fallait y être, fallait tout simplement y être. À cet égard, le « Tous au stade » prend tout son sens. Aller, encore une fois avant de poursuivre : français, english, español.

FRAPPER LES PREMIERS

En faisant mieux qu’en 2008/09, le club a écrit une page de son histoire, mais pas marqué l’histoire. En effet, il égale la performance de Toronto, devenant le deuxième club canadien de l’histoire à atteindre les demi-finales de la Ligue des champions. Il peut désormais faire mieux : alors que les Ontariens avaient connu le sort habituel des visiteurs Canado-Américains à Santos Laguna (décidément) en 2012, Montréal fait face à un adversaire théoriquement plus abordable : les Costariciens d’Alajuelense. Il ne faut quand même pas les prendre à la légère, puisqu’ils ont éliminé DC United au tour précédent, mais les Américains, et plus particulièrement leur défense et leur gardien, étaient complètement à la dérive.

Rapidement, de nouvelles pages de la légende montréalaise en Ligue des champions vont s’écrire. Avec, toujours, des lignes qui se répètent. Malgré les années qui les séparent, le changement de niveau du club et un groupe de joueurs qui n’a plus rien à voir, cette deuxième épopée a un point commun avec la première : Montréal donne les premiers coups et se place rapidement en position idéale, obligeant son adversaire à courir derrière le score.

Cette demi-finale n’y échappe pas. Cette fois, c’est au sens propre également. Dès le coup d’envoi, quelques joueurs de l’Impact n’hésitent pas à montrer du muscle dans des duels très physiques. À la limite de la correction. Du mauvais côté pour les visiteurs, qui estiment que l’arbitre, l’Américain M. Marrufo, n’a pas à siffler un club de MLS sur la scène internationale. Groggy, ils perdent leurs repères et oublient de jouer. Montréal en profite pour mettre son adversaire au tapis, cette fois au sens figuré.

On ne joue que depuis dix minutes quand un centre d’Oduro trouve Piatti qui enchaîne contrôle du droit et puissante frappe du gauche pour ouvrir la marque. On n’est même pas au quart d’heure qu’un corner mal jugé par presque tout le monde est repris victorieusement par Cabrera. C’est 2-0, les scènes de joie se succèdent, on est dans la parfaite continuité de la victoire contre Pachuca, on dirait que c’était hier, voire il y a moins d’une heure.

La suite a encore des allures de match de boxe. Il y a toujours des crochets, d’un autre ordre ; les uppercuts et les directs sont remplacés par les contre-attaques et les phases arrêtées. Alajuelense s’est relevé. Il est mené aux points et ne semble pas en mesure de revenir. Il a toutefois mieux placé sa garde et résiste mieux. Limiter les dégâts avant le match retour semble sa seule mission, même s’il a tout intérêt à inscrire ce précieux but à l’extérieur.

La vivacité montrée par Alajuelense lors de ses deux duels contre DC United a disparu. Oui, les visiteurs ont davantage la possession du ballon au fil des minutes. Mais cela ne se matérialise pas en occasions. Les centres se multiplient, Bush les cueille. L’un d’entre eux, dévié malencontreusement par Soumare, cause une rare grosse frayeur. Le tir le plus dangereux est quant à lui signé Venegas, qui signera à Montréal quelques mois plus tard. Mais en face, Oduro prend un malin plaisir à jouir des espaces dans une défense désorganisée. Le 3-0 est davantage dans l’air que le 2-1. Finalement, on en restera à 2-0. Certes, il reste un match retour. Mais à 90 minutes d’une place en finale de la Ligue des champions, Montréal est en position idéale.

TOUT A TREMBLÉ À ALAJUELENSE

Reste qu’il y a quand même un match retour à cette demi-finale, et il faut aller au Costa Rica pour le jouer. Sur place, on se rend très rapidement compte que ce sera tout sauf une promenade de santé. Alajuela est une ville petite par la taille mais grande par son importance au pays des Ticos. On en fait rapidement le tour à pied, et le club local, Alajuelense, donc, est présent à peu près partout. Des maillots rouge et noir, on en voit sur les gens dans la rue, dans les vitrines des boutiques, sur les cordes à linge, jusque devant les églises.

Comme sa ville, le stade transpire le football, sent le terroir sportif à plein nez. Doté de 18 000 places, sans artifices, avec des tribunes à pic et des volcans en toile de fond, le tout coloré de rouge et de noir. Il n’a rien d’extraordinaire, mais il a tout pour satisfaire les supporters : circulation facile, stands de nourriture et de boisson bien intégrés et vendues par des commerçants locaux à des prix abordables plutôt que par des grandes chaînes, possibilité d’être aussi bien assis que debout dans les tribunes, nombreux repères historiques comme des plaques commémoratives. L’ambiance familiale comme on l’aime : pas celle d’enfants dans une garderie où des types jouent au ballon, mais d’un club qui rassemble tous ses inconditionnels comme une même famille, tous ces gens unis par des souvenirs communs, par une passion partagée. Sa modestie et sa simplicité en font un stade populaire par excellence.

Deux jours avant le match, une marée de supporters s’est réunie à l’entrée. Certains étaient déjà là au matin pour préparer un tifo. Ils ont été rejoints par plusieurs centaines d’autres, dont la fanfare, pour une « réunion de motivation ». Musique, chants et danses sont au programme, pour des aficionados de tous âges. Enfants et abonnés depuis 50 ans exhibent fièrement leurs couleurs. L’un d’entre eux sort une photo de l’équipe championne de la Concacaf dix ans plus tôt, et est sûre que celle de cette année rééditera l’exploit. Journalistes locaux et supporters s’entendant : à l’aller, Alajualense a été très loin de son niveau. Ils promettent l’enfer à Montréal, qui, selon eux, coulera en deuxième mi-temps.

Le jour du match, les promesses sont tenues. Le stade est archi-comble et commence à se remplir trois heures avant le coup d’envoi. Malgré l’absence de toit sur la plupart des tribunes, les chants résonnent comme dans une cuvette, comme s’il y avait un micro devant chaque supporter. Un tifo rouge et noir envahit toute l’enceinte pendant qu’un message en lettres mobiles dit, en gros, que tous les gens présents sont prêts à mourir au stade si nécessaire. Certains ont aussi quelques projectiles qu’ils destinent à Bush. À la fin du tournoi, le gardien dira que cette ambiance a été la plus intimidante de toutes, loin devant celle du mythique stade Azteca où il y avait pourtant bien plus de monde et où il était bombardé de lasers.

Sur le terrain, Montréal aligne l’équipe attendue, alors qu’Alajuelense met tout à l’attaque. Si certains craignaient un orage en début de rencontre, celui-ci n’a cependant jamais lieu. Oui, la pression pousse les joueurs à commettre des erreurs, mais il y a toujours un coéquipier pour les réparer. Cependant, après 20 minutes, l’Impact est déjà acculé dans son camp. Matarrita, médian qui a cette fois la mission de couvrir tout le flanc gauche, donne des maux de têtes à ses adversaires. Les occasions sont néanmoins encore rares.

Certains, pourtant, sont déjà au bord de la rupture. Bush gagne grossièrement du temps sur chacun de ses dégagements, ce qui lui vaut un carton jaune qui ne sera pas sans conséquences. Soumare, lui, joue l’intimidation pectorale avec MacDonald avant de tirer sa queue de cheval comme un enfant qui veut un tour de manège gratuit. Personne dans le corps arbitral ne réagit. Les occasions locales sont nombreuses, les fautes de l’Impact se multiplient. Sans conséquence fâcheuse pour le moment.

McInerney se démène devant mais est isolé. Oduro semble à côté de ses pompes. Aligné sur le flanc droit, Cabrera est débordé plus souvent qu’à son tour. Et soudain, la lumière surgit sur ce trio : l’arrière argentin lance la mobylette ghanéenne dont le centre est repris victorieusement par JackMac, qui réduit tout le stade au silence. Jusqu’à la pause, les joueurs locaux n’en touchent plus une ! 2-0 à l’aller, 0-1 au repos au retour : il leur reste une mi-temps pour marquer quatre buts sans encaisser. Mission ô combien périlleuse.

Mais dès la reprise, Gabas, d’un coup franc, égalise et ravive l’espoir. Si les Montréalais tentent de montrer qu’ils n’ont pas peur, l’entrejeu recule de plus en plus, est presque sur les pieds des défenseurs. À l’heure de jeu, Gabas, encore lui, reprend victorieusement un corner au petit rectangle. Il reste une demi-heure et la moitié de la mission locale est accomplie. Les joueurs y croient à nouveau, les supporters aussi : le stade tremble, et ce au sens propre. Vaut mieux se dépêtrer de cet enfer rapidement.

L’Impact perd les duels, commet des fautes, n’en mène pas large. Il va rarement dans les parages du gardien local. Alajuelense ne pense qu’à attaquer. Trop. Lors d’une rare incursion montréalaise en zone dangereuse, les défenseurs, avec déjà la tête à l’offensive, s’emmêlent les pinceaux suite à un dégagement raté. Oduro, Bernier et Romero font preuve de sang-froid, pendant que la panique provoque une collision entre un défenseur et son gardien. C’est 2-2, on croit rêver ! Cette fois, Alajuelense doit marquer à trois reprises. Il reste une vingtaine de minutes.

Si la pression a chuté de plusieurs crans, Guevara parvient quand même à rendre l’avantage à ses couleurs. Insuffisant, à première vue. On entre dans les arrêts de jeu et seuls deux buts encaissés priveraient Montréal d’une place en finale. Les Costariciens balancent les ballons devant, avec plus ou moins de maladresse. Mais cela fuse de tous bords et les joueurs de l’Impact aimeraient tous avoir quatre jambes et deux têtes pour défendre. MacDonald marque. 4-2. Égalité sur l'ensemble des deux rencontres, mais Montréal passe quand même, encore grâce aux buts à l'extérieur. Ça ne tient qu'à un fil. Et si… ?

Ceux qui ont vécu l’enfer de Santos Laguna, dont Patrick Leduc qui est en tribune, sont dans leurs petits souliers. Impossible de ne pas se souvenir que les circonstances étaient similaires ce jour-là et que l’Impact a été coulé par deux buts dans les arrêts de jeu. Heureusement, la différence de niveau est moindre entre les deux équipes, les joueurs sur le terrain ont plus d’expérience. L’arbitre siffle les trois coups libérateurs, les joueurs sont éreintés physiquement et moralement. L’état psychologique des supporters ne doit guère être bien différent. Mais tout le monde peut être soulagé et faire la fête : Montréal est en finale. Oui, en finale de la Ligue des champions !

PAS UNE PROIE POUR LES RAPACES DU STADE AZTECA

Si la chevauchée de l’Impact allait déjà rester gravée dans la mémoire collective à jamais, une participation à cette apothéose s’annonce évidemment inoubliable. Et quelle finale ce sera : pour la première fois de son histoire, l’Impact va fouler la pelouse du mythique stade Azteca, temple mexicain du ballon rond. Et tout comme on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, on ne gagne pas une finale sans affronter les meilleurs. Et donc, le meilleur est là, et nous attend : le redoutable Club América. Stade mythique et adversaire légendaire, tel est le tableau pour les hommes de Klopas.

La fébrilité qui habite tout le monde (dirigeants, joueurs, staff, supporters et même reporters) à l’idée de se retrouver au stade Azteca va-t-elle en soi jouer contre les Montréalais ? On ne pourrait qu’attendre pour le savoir, mais la commande est énorme, sans aucun doute le match le plus difficile de cette Ligue des champions, mais aussi de l’histoire du club. Dans les jours précédant le match, l’immensité du stade préoccupe tous les esprits. Cent mille Mexicains bien en voix nous mèneraient la vie dure (et nous lanceraient des sacs remplis d’urine). Le sol tremblerait sous la ferveur de leur appui. On ne se souviendrait probablement plus du nom de notre hôtel après le match tellement nous allions vivre une expérience hors du commun. Bref, ça s’annonce chaud, quoi. De fait, il fait 28 degrés cette journée-là…

En pénétrant dans l’enceinte (quelques secondes avant le coup d’envoi, sur ordre des autorités), la première constatation est que 100 000 Mexicains, ça n’occupe que 50 000 places. Étonnamment, à un prix si ridicule (4 $ la place environ), on se serait dit qu’ils allaient acheter deux sièges au lieu d’en partager un avec un ami. Mais, trêve de tergiversations, vous aurez compris que le calvaire annoncé allait dans les faits être deux fois moins important que prévu. Dans les tribunes, du moins. Quoique l’entraîneur adverse nous a fait la politesse de laisser Oribe Peralta (légèrement blessé) sur le banc. C’est gentil, quand même.

On s’attend évidemment à une déferlante sur le pont du bateau montréalais dès l’entame du match. Mais bizarrement, les Aigles préfèrent tournoyer en altitude pour observer leur proie. Il y a bien un ou deux piqués de temps en temps pour nous faire peur, mais rien pour nous faire demander pitié et pardon d’être entrés dans le temple sans enlever nos souliers. Rassuré, l'Impact peut respirer et même commencer à jouer au ballon. Et quelle belle entrée en matière ! De Ciman à Camara, de Camara à Oduro, d’Oduro à Duka, de Duka à Piatti… et but. Ce sentiment, cette irruption de joie à la fois délirante et incrédule imprimée pour toujours dans nos esprits et nos cœurs, surtout pour ceux qui sont présents en tribune ce soir-là, à Mexico. Montréal mène 0-1, au stade Azteca. Le Mexique ne comprend plus rien, l’Impact est sur le toit du monde (ou presque). On aurait voulu que tout s’arrête pour toujours et qu’on savoure ce moment en continu, jusqu’à la fin des temps. Piatti le Conquistador, le tueur d’aigles, la merveille masquée (oui, vous nous excuserez, on est allé voir de la lutte mexicaine la veille).

Bref, l’Impact est le champion des champions de la Concacaf. Et après, il ne s’est rien passé d’autre. Le match s’est terminé, la Concacaf a annulé le match retour et Montréal a été sacré champion 2015-2016. Voilà.

Quoi ? Ah oui, le match a repris, évidemment. Ce but était tellement… il était tout ça, quoi. Mais malheureusement, il nous faut vite revenir sur terre (même si on est resté en altitude longtemps, vous vous en doutez bien). Et les locaux, eux, ne sont pas contents. Pas du tout même. La machine se met en marche. Ça va vite, ça va bien, ça va dans le mauvais sens. La tempête annoncée s’abat sur nous. Quintero, Sambueza, Arroyo, ayoye mademoiselle, c’est à en donner le tournis. Bush sort un arrêt digne des plus grands, un but est refusé pour hors-jeu, il fait chaud. Et 50 000 Mexicains, ça sait faire du bruit. Surtout quand Bush tire un coup de pied de but. C’était gentil quand même de leur part de saluer Saputo à chaque fois comme ça. Je crois (NdlR : Eric).

Et puis tout bonnement comme ça, Piatti traverse la moitié du terrain comme un taureau cavale vers le toréador et a l’occasion de faire 0-2… mais rate son lob. S’il avait marqué, j’aurais pris une page complète, juste ici, pour vous expliquer à quel point Piatti est proche de Dieu. Pas du Pape, de Dieu, carrément. J’aurais probablement même pleuré un petit peu sur mon clavier. Ce but, à lui seul, aurait créé un baby-boom dans la région montréalaise. Mais Piatti a raté. Au moins, ça aura eu le mérite de faire douter les locaux et d'impatienter les supporters. Et quand vous réussissez à faire ça au stade Azteca, ça veut dire que vous allez en subir les contrecoups. De fait, le Club América se remet à l’ouvrage en doublant les bouchées. Ça combine, ça passe, ça tire… n’importe où. C’est assez marrant en fait. Parce qu’ils commencent à s’énerver. Même si ça va vite, on est souvent au bon endroit pour contrecarrer leurs plans.

América s’énerve, donc, et commence à lever le pied. Du même coup, on en profite pour récupérer le ballon et imposer notre Joga Bonito 100% érable encore une fois. Piatti (celui-là, je vous dis !) envoie une passe dans la foulée du roadrunner Oduro, qui se fait agripper par le maillot par Martinez alors qu’il part seul au but. L’arbitre siffle la faute, Martinez sera expulsé, l’Impact marquera 3 buts et remportera la finale, car la Concacaf aura annulé le match retour et… Ah oui, on est en Concacaf, c’est vrai. Donc, il n’y a pas de carton rouge. C’est tout. Et puis, c’est la mi-temps, on ne va pas donner des cartons comme ça avant la mi-temps, hein. Bref, à la pause, Montréal mène 0-1. Au stade Azteca. Contre l’América. En tribune, on trouve important de se le rappeler. D’un coup qu’on décide de construire un monument pour commémorer l’exploit.

La deuxième mi-temps devient une question de tenir. C’est pas sans rappeler un match d’anthologie vécu à BMO Field en 2008. Un adversaire une coche au-dessus, qui ne nous fait peur, mais qui joue somme toute un peu n’importe comment. Reste que Mexico, c’est pas Toronto. En plus, Martinez, toujours avec un morceau du maillot d’Oduro dans la main, laisse sa place à Darth Vader… pardon, Peralta. L’horrible Oribe, l’homme de tous les cauchemars, le Freddy Krueger de la Ligue des champions. L’abominable homme des aigles, quoi.

Et les vagues se succèdent. On résiste. Ciman est impérial. On dirait qu’il a respiré l’air vicié de Mexico toute sa vie tellement il est dans son élément. Moi, je continue de croire qu’il était envahi par l’esprit de Diables rouges de 1986. Les minutes passent. Dangereux dans le jeu, les Mexicains sont brouillons quand vient le temps de concrétiser. Ils commencent à paniquer. C’est à ce moment précis que le valeureux Camara tombe au combat et doit être remplacé par Eric Miller. Eric Miller qui monte au jeu au stade Azteca, ça nous rappelle que le match est loin d’être terminé. Mais nos hommes sont forts et si le souffle devient de plus en plus court en raison de l’altitude, le cœur, lui, grossit (et non les poumons, faut pas tout mélanger non plus). Et l’équipe tient vaillamment le fort. On perd du temps quand il le faut, mais quand il ne le faut pas aussi... vous verrez (en fait non, dans le fond, vous le savez déjà, vu que j’écris ce texte un an plus tard.).

Et puis arrive le moment fatal. La 90e minute. Ce corner. Ciman, un tantinet gêné par un contact subi quelques minutes plus tôt, décide de garder le poteau alors qu’il prenait tout de la tête dans la surface montréalaise. Le susmentionné Freddy Krueger Peralta traîne au second poteau, met sa tête sur la balle, plante ses griffes de métal dans notre cœur. 1-1.

Mais ce n’est pas terminé. Il reste les arrêts de jeu. Et comme un malheur ne vient jamais seul, Bush, ayant probablement perdu le fil de la situation, écope d’un carton jaune pour avoir pris trop de temps à remettre le ballon en jeu. Il sera suspendu pour la finale. C’est la catastrophe, mais on y songera plus tard, parce qu’on a d’autres aigles à fouetter pour l’instant. Et ils veulent notre peau, ces aigles. Les hommes en jaune se créent deux ou trois occasions chaudes, très chaudes, mais on tient. L’Impact a fait un match nul au stade Azteca. Cette fois, c’est clair, ces hommes auront, un jour, quelque part, un monument pour commémorer leur exploit, c’est certain.

LA GLOIRE MALGRÉ LA DÉGRINGOLADE

La semaine qui nous sépare du match retour est intense. Et pas seulement en raison de la possibilité de gagner la Ligue des champions et de se qualifier pour le Mondial des clubs. Non, il faut aussi remplacer Bush, suspendu pour accumulation de cartons jaunes stupides. Son second, Erik Kronberg, a participé au premier tour avec Kansas City et n’est, dès lors, pas qualifié. Maxime Crépeau revient de blessure et rien ne garantit que tout le monde est prêt à lui faire confiance pour un match de cette importance. Certains veulent même aller chercher un des meilleurs gardiens de MLS pour l’occasion, au détriment de toute morale sportive. Un tel prêt doit toutefois se faire sur toute la saison, et la possibilité sera écartée. Ce sera finalement Kristian Nicht, gardien de réserve au tour précédent, qui sera entre les perches, Crépeau commencera sur le banc.

Une finale continentale, au Stade Olympique… On nous aurait dit ça 10 ans plus tôt, c’est évident qu’on ne l’aurait pas cru. Enfin, si peut-être, si l’un ou l’autre tournoi de la Concacaf se jouait en terrain neutre et que Montréal avait déposé sa candidature pour accueillir la finale, peut-être. Mais juste de voir l’Impact jouer au Stade Olympique, c’était déjà loin du tableau, alors imaginez en finale de la Ligue des champions !

Une telle occasion mérite un traitement particulier. Ce fut le cas. Un gigantesque tifo occupe chaque recoin du stade. Soixante mille plastiques tenus afin de former une mosaïque géante bleu-blanc-noir, pour dire à l’envahisseur mexicain qu’ici, c’est chez nous. Pari gagné pour cette grande première. La table est mise, bien mise même, pour l’ultime repas.

Cette fois, pas de cadeau. Les Mexicains déploient tout leur arsenal pour tenter de nous faire plier. Sambueza, Benedetto, Quintero, Freddy Krueger Peralta, ils sont tous là. La grosse machine quoi. De quoi nous faire trembler. Mais on s’en fout royalement, parce qu’on est 60 000, nous. L’ambiance est survoltée ; déjà dans les rues et les bars du quartier, de longues heures avant le match, une mer de bleu s’apprêtait à s’engouffrer dans les portes du Stade Olympique. C’est pas mêlant, il y avait, tenez-vous bien, une atmosphère foot dans Hochelaga. Une vraie.

Alors que tous portent fièrement leur maigre contribution au tifo, un gigantesque « Allez Montréal » retentit dans les travées de ce stade, si magnifique en cet instant, qui n’a probablement pas vibré de la sorte depuis la visite de Jean-Paul II en 1984. Ayant chanté à tue-tête ce chant dans les tribunes en aluminium du Complexe Claude-Robillard, ce moment était on ne peut plus symbolique pour l’auteur de ces lignes, et pour de nombreux autres, j’en suis certain.

Portés par la foule, et probablement en partie par l’esprit de Jean Paul II, nos valeureux guerriers se lancent à l’assaut de la pyramide aztèque. Encore une fois, ce sont les luchadores qui mettent un genou à terre en premier. Piatti entreprend quelques tours de magie aux abords de la surface adverse avant de glisser le ballon à Romero qui, transporté par une force surnaturelle, mystifie la défense avant de planter le cuir au fond des filets. Là, je pense sincèrement qu’un morceau de la tour s’est détaché. Parce que la puissance du cri de la foule et la force brute de cette hystérie collective ont atteint des sommets. Genre le but de Porter multiplié par six. Genre une alerte au tsunami à Pointe-aux-Trembles. Quand tu cries, mais que rien ne sort, que tu sonnes comme une pompe pour l’asthme, c’est que le moment est assez spécial. Huit minutes et on est champions. De la Concacaf, de l’univers, de tout. Je l’avoue, j’ai pleuré.

Tout au long de cette première mi-temps, nos hommes vont au duel, encore et encore, ils en redemandent. Tu me bouscules ? Moi aussi ! Deux fois plus fort ! Les Mexicains en deviennent fous. Nos petits gars rendent coup pour coup, comme des chiens enragés. Comme envahis par l’esprit des héros de 2009, par l’âme de cette soirée de folie où Santos Laguna avait été mâché et recraché comme un vulgaire chewing-gum à la guacamole. Malgré quelques frayeurs, on rentre au vestiaire avec l’avantage. À 45 minutes de l’arrivée. À 45 minutes du sommet de la pyramide aztèque.

Et puis, de manière incompréhensible, comme si quelqu’un avait glissé des somnifères dans les gourdes du vestiaire des locaux, c’est un Impact transformé, méconnaissable qui monte sur le terrain en seconde mi-temps. Fini, l’esprit de guerrier. Dissipée, l’âme de 2009. Dehors, les chiens enragés. Des Montréalais amorphes qui regardent passer la parade. Le fantôme de 2014 revenu nous hanter.

Le reste est très flou. Toute la seconde mi-temps est nébuleuse. Quelques vicieuses attaques repoussées. Notre gardien emprunté. Notre arrière-droit improvisé. Notre cœur, ce cœur, si fort puis si mort. Cette envie envolée. Cette foule s’éteignant à petit feu. Et ces buts. Uno, dos, tres, cuatro… comme des coups de poignard au plus profond de notre âme à chaque fois. 4-2, score final.

Au bout du compte, le poids de cette chevauchée en Ligue des champions était trop lourd à porter. Un passage à vide de trop a fait dégringoler le club canadien dans les marches de la pyramide aztèque. Longue préparation, longs voyages, altitude, pression, rythme soutenu pendant si longtemps. Si près et si loin à la fois. Mais qu’on ne vienne pas me parler de conte de fée, d’équipe Cendrillon et d’autres analogies boiteuses à la sauce Disney. Nous étions là, car nous le méritions, pas par hasard. Que le reste de la MLS le prenne en note : quand on prend une compétition au sérieux, ça donne souvent des résultats.

Le stade s’est vidé peu à peu. Nos joueurs ont reçu leur médaille. Evan Bush, ironiquement, comme pour retourner le fer dans la plaie, a été élu meilleur gardien du tournoi. L’América a soulevé le trophée, les quelques milliers de Mexicains ont fêté et juste comme ça, une fois le dernier confetti retombé, le livre s’est refermé sur le chapitre le plus glorieux de l’histoire de l’Impact de Montréal. Que tous les joueurs et membres du personnel qui y ont contribué, ne serait-ce qu’un peu, sachent que nous leur serons à jamais reconnaissants de nous avoir fait vivre une si vertigineuse épopée continentale. Si vous nous lisez, merci, thank you, gracias. Vous avez été de dignes gladiateurs. Gloire à vous.

 

 
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