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Bilans de saison 2020 (5) : le jeu

Posted on 11 January 2021

 Impact de Montréal
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Voilà donc notre dernier bilan de saison 2020. Après, promis, on laisse toute la place au club pour parler de son changement d’identité… Plus sérieusement, aujourd’hui, nous allons nous focaliser sur le jeu développé lors de cette première saison sous Thierry Henry.

Comme souvent dans ce genre de texte qui décortique le jeu en profondeur, nous nous sommes appuyés sur le travail de Vision du Jeu. Et puisque les auditeurs de l’émission Coup Franc ont malheureusement été privés de leur traditionnel épisode “Spécial bilan”, nous avons demandé à Christian Schaekels, qui y distille chaque année ses analyses, de nous les fournir ici afin de mieux comprendre et interpréter les nombreuses observations que nous vous partageons.

HASTA LUEGO NACHO PIATTI, BONJOUR THIERRY HENRY


Deux mouvements importants pour le jeu dans l’équipe ont eu lieu l’hiver dernier : le départ d’Ignacio Piatti et l’arrivée de Thierry Henry. On le sait, l’Argentin était un joueur d’espaces. Déjà, avant son arrivée, la force offensive de l’équipe était les reconversions rapides (c’est-à-dire aller rapidement au but à la récupération du ballon alors que la défense adverse n’est pas bien en place) et le passage par l’axe. Avec lui, ce modèle était encore plus marqué.

Quant à l’ancien international français, il pouvait vivre sa première expérience d’entraîneur principal en ayant son groupe à disposition dès la préparation. Avec quelles intentions ? Lors de sa présentation, Olivier Renard avait prôné un jeu offensif, et Henry parlé d’envie “de construire, d’aller de l’avant, de conquérir, de presser, de sortir la balle de derrière intelligemment”. L’expérience d’entraîneur sur laquelle il pouvait le plus s’appuyer était celle d’adjoint de l’équipe nationale belge. Ajoutez à cela ce qu’il a retenu des entraîneurs qui l’ont marqué pendant sa carrière de joueur, et un passé d’attaquant dont on peut attendre qu’une fois sur le banc, il privilégie l’aspect offensif.

“L’essence de base du foot, c’est posséder le ballon, passer par les flancs ou donner des centres, explique Christian Schaekels (toutes les citations dans l’article sont de lui, nous ne le repréciserons plus). Et s’appuyer sur les phases arrêtées. Mais si ça ne fonctionne pas, il faut des alternatives. Soit être meilleur en possession en trouvant les points d’inflexion pour changer le rythme, soit les reconversions rapides, ce que l’Impact avait par le passé. Mais si tu as besoin d’un gars qui doit construire et progresser pour aller au but, le système qu’Henry veut privilégier, si tu veux passer du jeu basé sur la reconversion rapide au jeu dominant placé, se libérer de Piatti était une bonne chose.”

Alors, changement drastique, oui ou non ? Oui, un grand oui ! En effet, pour la première fois depuis son arrivée en MLS, l’Impact de Montréal n’a ni voulu être ni été une équipe de reconversions rapides… Attention, par le passé, certains entraîneurs ont tenté de développer du jeu posé dans le camp de l’adversaire, mais au but du compte, c’était inefficace contrairement aux contre-attaques.

UNE TOUTE NOUVELLE FAÇON DE JOUER


Henry n’a pas menti sur ses intentions en début de saison. On a pu le constater à plusieurs reprises : la volonté de construire de l’arrière, par exemple, était clairement perceptible, a suscité des débats notamment en raison des erreurs en résultant… ce à quoi Henry s’attendait dès son arrivée, il en avait parlé aussi.

Dans le jeu, c’est bel et bien cette intention de construire afin de pouvoir poser son jeu dans le camp de l’adversaire qui a marqué cette saison 2020 de l’IMFC. Quelque chose de complètement neuf pour les joueurs présents depuis un certain temps, alors que ceux arrivés cette année devaient bien entendu s’acclimater et créer des automatismes avec leurs nouveaux partenaires. L’équipe partait donc avec un handicap, et les conditions de travail depuis le mois de mars n’ont rien facilité.

“C’est sûr que ça a été problématique. Pour tout le monde, mais avec des réalités différentes. Si comme Montréal, tu as dû rester souvent 15 jours sans travailler, c’est très dur de tisser des liens dans le jeu mais aussi entre les modèles de personnalités. Avec l’accumulation de matches, quand tu as peu d’entraînements, c’est très difficile de corriger, mais ça vaut pour toutes les équipes. Certains constats doivent donc être mis entre guillemets.” Des biais que peuvent aussi causer le calendrier déséquilibré avec des mêmes adversaires affrontés très souvent et d’autres pas du tout, et le peu de rencontres jouées au Québec.

Les chiffres démontrent que ce renouveau complet ne fut pas aisé à mettre en place. De plein jeu, offensivement, l’Impact est un des moins bons élèves de MLS puisqu’il est dans le tiers des plus mauvaises attaques une fois qu’on enlève les phases arrêtées. Et là où il a été le moins bon, de loin, ce sont… les reconversions rapides ! Ça en dit long, très long, sur la révolution de palais qui a eu lieu dans la façon de jouer cette saison.

Si s’en servir comme plan A est rarement gage de succès, il faut quand même y être performant… d’autant que le jeu évolue en ce sens. “Aujourd’hui, tout le monde a décidé de sortir de son rectangle avec des combinaisons de passes et de progresser sur 80 mètres pour trouver l’attaquant. C’est impossible qu’ils soient tous au niveau des meilleurs. Chaque semaine, j’encode des dizaines et des dizaines de buts encaissés sur des mauvaises sorties de balle, ils se multiplient. Le pourcentage de reconversions rapides devient donc plus important. Il faut profiter de ça.” Arriver à être plus efficace après les récupérations de balle sera un des chantiers pour prendre davantage de points la saison prochaine. Mais pas le seul, loin de là.

TROP FAIBLE SUR LES FLANCS


Bien entendu, sachant cela, on peut supposer que moins de joueurs de l’Impact ont marqué en se retrouvant seul face au gardien, et que le passage par l’axe fut loin d’atteindre les sommets du passé. Les chiffres le confirment en effet. Cela, dit, quand on regarde les buts inscrits de plein jeu, 40% ont été développés dans l’axe, 35% sur la droite et 25% sur la gauche, mais avec un faible total, l’équipe ne fait partie des bons élèves dans aucun de ces couloirs.

Difficile aussi de dire ce qui allait le mieux entre les combinaisons de passes au sol ou le jeu sur les flancs suivi de centres : là encore, l’équipe fut loin des sommets et rien ne ressort clairement, même si, proportionnellement, la première façon d’avancer a été un peu plus efficace. Sur la seconde, on notera un contraste entre les centres au cordeau, relativement bien exploités, et le jeu de tête catastrophique de plein jeu (alors qu’il fut bien meilleur sur phase arrêtée).

“Quand l’objectif est d’arriver dans les 40 derniers mètres et d’y poser le jeu, tu dois être bon sur centre, de la tête et au cordeau, avec aussi une capacité à marquer sur des tirs de loin. Quand on observe que Montréal est une des plus mauvaises équipes du championnat avec ses 8 buts sur centre, on est en droit de se demander si les capacités des joueurs sont à la hauteur de la conception. Et les flancs n’ont pas été assez performants.” Recrutement, vous dites ?

DE PLEIN JEU : LOIN D’ÊTRE BIEN… MAIS TRÈS BIEN DE LOIN


En revanche, il y a un endroit où Montréal a brillé. Ce sont les buts dont la phase clef a été développée à hauteur du rond central voire directement dans le camp de l’équipe. Dans ce domaine, seuls Seattle et le LAFC font mieux ! Il y en a eu 9 en tout… dont seulement une contre-attaque ! Notons deux phases arrêtées, et il en reste donc 6 en jeu dominant, donc après une certaine période de possession face à un adversaire qui attend. Et ça, c’est même mieux que les Californiens.

Un homme – et vous ne vous attendiez certainement pas à ce que ce soit le premier joueur actuel cité dans ce texte – a un rôle important là-dedans : Emanuel Maciel ! Il est… le meilleur passeur décisif de MLS sur les actions venues de la zone défensive de son équipe ! On a loué la qualité de ses longs ballons, les chiffres en attestent. Tous les trois ont permis de lancer un équipier (deux fois Lappalainen, une fois Quioto) seul au but. Et tous trois sont le fruit d’accélérations en jeu de possession qui, grâce à une passe, ont complètement déstabilisé la défense adverse. Bon, l’Argentin a d’autres tâches, et quand les espaces sont réduits, son apport l’est tout autant, mais c’est un autre problème.

Cette médaille a néanmoins un revers. Déjà que l’Impact n’a pas marqué tellement de buts de plein jeu, si les actions cruciales de beaucoup d’entre eux viennent de loin du but adverse, cela signifie qu’il a beaucoup peiné à être efficace en s’installant dans le camp de l’adversaire. Que ce soit en posant son jeu ou en y accélérant soudainement. Puisque là est la volonté principale de Thierry Henry, on peut s’attendre à ce que soit un chantier prioritaire à ses yeux pour 2021 et que le recrutement puisse l’y aider.

AU PIED DU PODIUM SUR PHASES ARRÊTÉES


Cela dit, offensivement, tout est loin d’être négatif. Il reste un domaine et vous vous doutez que si l’attaque ne fut pas extraordinaire (la moyenne de buts marqués par match de MLS ne fut inférieure qu'en 2014 et en 2012), elle ne fut pas nulle non plus. Elle a donc brillé dans celui-là : les phases arrêtées. Tant et si bien que Montréal est carrément au pied du podium dans cet exercice ! Et ce, que l’on tienne compte ou non des buts inscrits sur penalty.

Ce fut moyen sur corner, bon sur penalty et très bon sur coup franc. Cela laisse présager que l’équipe a tant réussi à provoquer des fautes dans des zones dangereuses qu’à en profiter par la suite. Avec un tireur de penalty aussi habile que Taïder, il n’y a rien de surprenant, mais pour le reste, cela avait été longtemps une lacune décriée.

Cette efficacité nouvelle sur phase arrêtée a eu le don de compenser en partie les insuffisances de plein jeu. Et si l’équipe ne parvenait pas à marquer suffisamment quand elle construisait dans le camp de l’adversaire, le fait d’y être plutôt que de privilégier la position d’attente dans sa propre moitié de terrain lui a ouvert davantage de possibilités de se procurer des phases arrêtées “bien placées”.

Autre observation intéressante : l’endroit d’où ont été marqué les buts (tous, pas seulement ceux sur phase arrêtée). “De loin” revient encore une fois dans le vocabulaire, puisque six buts ont été inscrits d’un envoi de l’extérieur du grand rectangle, avec un seul coup franc direct, celui de Quioto à Philadelphie. Mais ce n’était pas mal non plus dans le petit rectangle, lieu source de tant d’improductivité par le passé. Entre les deux, le bât a davantage blessé.

Dernier point où les voyants offensifs sont au vert : les buts inscrits dans le premier quart d’heure, puisque seules trois équipes font mieux. C’est dû entre autres à Bojan, qui avec ses trois réalisations (à New York, contre Miami et à DC United) est co-meilleur buteur du championnat dans cette partie du match. Trois buts inscrits en moins d’un mois et demi qui lui ont rapidement donné de la visibilité ces jours-là, ce qui a aussi sans doute contribué à la meilleure impression donnée par sa fin de saison.

QUIOTO : L’HOMME À TOUTE FAIRE… ET ENCORE PLUS !


Si le nom de Quioto n’a été cité une seule fois jusqu’à présent, c’est que s’il avait fallu en parler dans tous les domaines où il vaut la peine d’être nommé, on l’aurait vu quasiment partout. Il mérite en fait un long pan de ce texte tant son titre d’Homme de la saison n’est pas usurpé. Important dans de nombreux domaines, équilibré dans les divers aspects de certains autres, il a montré à la fois qu’il se fondait bien dans le nouveau visage offensif de l’équipe tout en étant polyvalent.

On parle beaucoup de ses neuf buts, mais n’oublions pas qu’il a également été six fois à la dernière passe. “Cela fait qu’il est impliqué dans 44% des buts cette année. Il y a quelque chose d’intéressant qu’on observe dans plusieurs championnats, notamment en Angleterre. Les équipes du subtop et plus bas sont souvent dépendantes de la production d’un joueur. Mais le jour où il n’est pas productif, il faut trouver une alternative. Par exemple, à Southampton, Danny Ings a été absent ou diminué pendant 4 matches, et ça s’est soldé par 4 défaites. À son retour, il marque contre Liverpool et son équipe gagne. L’exception, c’est Everton : Calvert-Lewin, joueur primordial tant dans le système de jeu que la manière de marquer, n’a plus trouvé le fond des filets depuis le 5 décembre. L’équipe, qui était dans les meilleures sur centre, a vu sa structure changer à cause de ça. Mais elle a réussi à s’en sortir car 5 joueurs différents ont marqué pour compenser ce manque.”

Verdict de ce constat ? “Il faut des alternatives. Sans ça, quand il n’est pas là, les autres joueurs se posent rapidement des questions et se demandent comment ils vont faire pour marquer.” S’applique-t-il à l’IMFC, qui serait dépendant de la production de Quioto ? Les chiffres tendent en ce sens, puisque quand le Hondurien a marqué ou donné une dernière passe, l’équipe a pris 50% des points, ce total est de 44% les jours où il a juste trouvé le fond des filets, à 33% quand il a été titulaire mais n’a pas marqué, à 22% quand il ne commençait pas le match et à 19% lorsqu’il était sur le terrain au coup d’envoi mais n’a eu le pied dans aucun but. C’est dire toute son importance cette saison !

Ça ne se reflète pas qu’à l’échelle de Montréal, mais bien dans les chiffres de tout le championnat. Ainsi, il fait partie des meilleurs buteurs ou… passeurs décisifs (et c’est très important) de MLS dans plusieurs catégories. C’est sur phase arrêtée qu’il s’est le plus illustré, en étant quatre fois à la finition mais aussi trois à la dernière passe. Avec trois buts de la tête, il a montré son adresse dans le jeu aérien, qui n’était pas une des principales forces de l’équipe en 2020. Il aime quand celle-ci joue haut, avec pour preuve ses quatre passes décisives distillées à moins de 15 mètres du but. Et trois des buts dont il fut le pourvoyeur se sont conclus dans le petit rectangle, ce qui n’est pas mal non plus.

Cette diversité illustre déjà un joueur qui a plus d’une corde à son arc, mais elle n’est pas la seule. Ainsi, dans d’autres domaines, c’est davantage grâce à un certain équilibre qu’il se démarque. Prenons par exemple ses buts, autant construits sur la droite que dans l’axe ou sur la gauche (vous allez dire que ça n’a rien à voir avec lui, mais c’est étonnant le nombre de joueurs qui se sentent plus à l’aise face au but selon d’où vient le ballon), ou le fait qu’il ait marqué tant sur coup franc direct, que sur coup franc joué indirectement ou sur corner.

Et quand on regarde son passé, il est encore beaucoup plus complet qu’on le pense ! “La manière dont il a marqué cette année suit le modèle de Thierry Henry. Mais si tu regardes sa saison 2018 à Houston, 3 de ses 5 buts de plein jeu sont sur du jeu rapide. Et en 2017, tant avec Houston qu’avec le Honduras, de plein jeu, il n’a marqué qu’une fois dans du jeu dominant placé, et bien plus régulièrement tant en jeu dominant rapide qu’en reconversion rapide. Ça signifie qu’il est capable d’être performant dans tous les domaines de plein jeu et sur phase arrêtée. Il est vraiment très important !”

Ainsi, pour combler certaines carences pointées plus haut, Quioto pourrait être l’homme de la situation, à la conclusion à tout le moins. “Il peut donc constituer l’alternance dans le modèle de jeu : être à la fois celui qui est à la réception des ballons quand tu poses le jeu, mais aussi celui qui se projette vers l’avant quand tu pars en reconversion rapide. Il faudrait que les autres joueurs aient davantage le réflexe de trouver la profondeur à la récupération du ballon. Quioto a prouvé par le passé ses capacités à jouer dans la vitesse, à se reconvertir rapidement et à marquer en face-à-face.” Reste donc soit à ce que ses partenaires le servent mieux dans ces circonstances, ou à trouver des joueurs capables de le faire sans pour autant déséquilibrer le modèle de base.

NOUVEAUX CONCEPTS TACTIQUES


Un modèle de base, donc, drastiquement différent de ce qu’il a toujours été depuis l’arrivée de Montréal en MLS. Ce n’est pas la seule grande nouveauté de la saison, puisque l’ancien adjoint de Roberto Martinez a introduit un système à trois défenseurs centraux - régulièrement utilisé par l’équipe nationale belge. Certains parlent de défense à cinq, d’autres de défense à trois, en réalité… c’est le deux, selon les circonstances de jeu. C’est pour ça qu’ici, nous parlons toujours du nombre de défenseurs centraux.

Mais qu’est-ce que ça change par rapport à un quatre défensif plus traditionnel ? “Avec 3 défenseurs centraux, en possession de balle, il y en a un qui peut avancer d’un cran et passer dans l’échelon médian en construction. Mais il faut des latéraux très forts car ils vont faire l’effort sur tout leur côté. Ce qui n’était pas le cas, vu la faiblesse des centres. Avec un 4 défensif, le gros problème est que dans ce désir de poser le jeu et de passer par les flancs, il faut des dédoublements ainsi qu’un gros travail des latéraux et des milieux pour libérer afin de donner un centre. Mais défensivement, tu es mieux en place en raison de la couverture à quatre.”

L’autre nouveauté, et pas seulement montréalaise, ce sont les fameux halfspaces dont on avait déjà parlé dans l’émission Coup Franc du 13 octobre dernier. Depuis lors, on a même trouvé l’appellation en français du concept : les couloirs intermédiaires. Pour être concret et schématiser, au lieu d’attaquer en trois couloirs (droite - axe - gauche), de plus en plus d’équipes attaquent sur cinq couloirs, les deux nouveaux se retrouvant entre chaque flanc et l’axe. Ce sont eux que l’on appelle donc couloirs intermédiaires.

“Tu peux faire un appel dans le dos de la défense en venant de ces couloirs intermédiaires. L’action typique avant le centre est traditionnellement un joueur plein axe servant un joueur venant du flanc et rentrant dans le jeu. On voit désormais de plus en plus le ballon voyager sur les flancs et un joueur surgir de ce couloir intermédiaire pour le recevoir puis centrer. Ce centre ne sera plus donné de l’extérieur du rectangle mais de l’intérieur de celui-ci, ce qui est un avantage pour remiser le ballon. Et c’est très difficile à défendre quand tout le monde a les yeux rivés sur le ballon.”

De nouveaux types d’actions, donc, et de nouveaux rôles pour différents joueurs. C’est d’ailleurs là qu’Urruti s’est le plus illustré. En début de saison notamment, quand il occupait ce couloir avec Bojan en faux 9. Les différents mouvements lui permettaient de surgir de plus loin, ce qu’il préfère, et d’être meilleur à la finition. Mais l’illustration parfaite de l’action décrite ci-dessus est le but de la victoire face à Miami, où le ballon circule sur le flanc, Bojan surgit dans le couloir intermédiaire droit et tente de servir Urruti, en duel avec un défenseur qui marque dans son but. Dans l’autre sens, vous pouvez regarder le but d’ouverture du match à New York City ou les deux buts encaissés par l’Impact à Philadelphie (tiens, tiens, Philadelphie… on en reparlera).

PHASES ARRÊTÉES DÉFENSIVES ET CONTRASTES SAISISSANTS


Puisque nous parlons de buts encaissés, passons maintenant à l’aspect défensif, où le contraste avec la saison dernière est aussi frappant. La priorité de Rémi Garde était ainsi d’avoir une défense bien en place. Lors des deux ans de son mandat, les adversaires avaient du mal à être efficaces en posant leur jeu dans le camp de l’IMFC, et ce, même quand ils parvenaient à s’y installer durablement. Néanmoins, la saison dernière, dès que ça jouait vite dans le cours du jeu, la défense souffrait. Et sur phases arrêtées, alors là ça allait vraiment très mal.

Ce sont les extrêmes qui ont changé. En effet, en 2020, les phases arrêtées furent… l’aspect le moins mauvais. À vrai dire, ce fut même extrêmement bon sur coup franc et sur penalty. Il y a là une amélioration notable aussi due au fait que l’équipe concède beaucoup, mais alors là vraiment beaucoup moins de fautes dans des zones dangereuses. D’ailleurs, le seul but encaissé sur coup franc en championnat fut des œuvres de Nashville et on se souvient qu’il était a priori anodin, très loin du but. Une différence majeure avec la saison précédente, c’est qu’une fois le milieu de terrain effacé, il y a beaucoup moins de panique derrière. En 2019, la défense était certes bien en place mais quand elle se sentait dépassée, elle commettait trop de fautes inutiles. Ce n’est plus du tout le cas. C’est, aussi, un des apports de Wanyama et de sa façon de la protéger.

Si les phases arrêtées sont “moins mauvaises” après tout le bien qu’on vient de dire, c’est que l’une d’entre elles fut pour le moins catastrophique : les corners. Ce n’est pas difficile, seul le Los Angeles FC fait pire. Un élément attire plus particulièrement l’attention : avant le 20 septembre, un seul but avait été concédé de la sorte (lors de la première journée de championnat). On en était alors environ à la mi-compétition, et tous les autres sont tombés par la suite. Mais pourquoi une telle solidité sur coup franc et une telle friabilité sur corner ? “C’est différent. Par exemple, la hauteur de la ligne y est importante, le hors-jeu doit être pris en compte, ce qui n’est pas le cas sur corner.”

Avant d’élaborer, parlons des diverses façons de défendre sur corner car depuis le dernier épisode de Coup Franc, où Eve Powell a parlé de défense de zone et individuelle sur ceux-ci, j’ai reçu plusieurs questions à ce sujet. “Il y a trois façons de défendre sur corner : le marquage individuel, la défense de zone et un système mixte. L'individuel, classique, c'est que chaque joueur a la responsabilité d'un adversaire défini à l'avance : mais comme celui-ci prend la première décision, on a forcément un temps de retard, et il peut libérer des espaces grâce à ses mouvements ou à un écran. En zone, chaque joueur s'occupe de la zone devant lui et a la charge d'y intercepter le ballon : il est important qu'il y arrive avant l'adversaire, ce qui est plus difficile quand celui-ci est lancé de loin. Le mixte, c'est une base en zone avec certains joueurs qui sont pris en marquage individuel.”

Alors, comment l’Impact défendait-il sur ces phases, et quelles erreurs ont été commises ? “Ce qu'on constate sur les buts encaissés sur corner, ce sont que des joueurs, bien que dévoués à leur tâche, ne l’ont pas exécutée correctement. Philadelphie et New England ont par exemple utilisé des combinaisons permettant de déplacer les pièces du puzzle et ont profité de ces carences pour emmener certains joueurs de l'Impact là où ils ne devaient pas être... ce dont a profité le buteur. On a aussi remarqué que dans le système de défense mixte, un ou plusieurs joueurs se sont relâchés, en pensant par exemple que le ballon n'arriverait pas dans leur zone, en s'occupant plus du ballon que de l'adversaire qu'ils devaient tenir ou en ne faisant pas le bon effort. Ils n’avaient pas envisagé différents scénarios : avec une prise d’information pas à la hauteur, la réponse ne fut pas appropriée.”

RÉGLER LA HAUTEUR DU BLOC


On passera sur les erreurs individuelles, qui ont été soulignées tant et plus cette année, mais il y a un autre domaine entouré en rouge foncé dans les problèmes défensifs : les buts encaissés dont la phase clef a été développée à hauteur du rond central voire quand l’adversaire partait de son propre camp. Un seul d’entre eux le fut sur phase arrêtée, et beaucoup sur du jeu rapide, que ce soit une mauvaise reconversion défensive après une perte de balle ou une accélération soudaine de l’adversaire déstabilisant la défense de loin après une phase de possession plus longue. Cela a aussi souvent permis d’isoler un joueur devant le gardien, augmentant un nombre de face-à-face élevé aussi dans d’autres circonstances.

“Quand tu veux une équipe dominante qui une fois dans le camp adverse est plus efficace dans les 16 derniers mètres, le bloc équipe est forcément très haut. Et quand tu es pris, ça laisse de grands espaces dans ton dos et c’est très compliqué. Le bloc équipe doit pouvoir être tempéré dans la hauteur.” On ne croit pas si bien dire puisqu’en MLS, personne ne fait pire pour ce genre de but et seul San José, réputé pour sa volonté de jouer haut en prenant de gros risques, fait aussi mal.

Le jeu au sol a lui aussi été problématique pour la défense. Ainsi, elle a particulièrement souffert sur les combinaisons de passes adverses, notamment parce que nombre d’entre elles permettaient de lancer un joueur seul face au gardien. Ce qui tendrait à confirmer que la défense a souvent joué trop haut et laissé de l’espace dans son dos si… il n’y avait pas non plus quelques combinaisons conclues par des tirs de loin, laissant penser que cette fois, la défense était trop reculée et laissait de l’espace pour tirer (souvenons-nous du fameux but de Bou…) Régler la hauteur du bloc, voilà donc un autre chantier de Thierry Henry…

Sur les centres, vous aurez bien compris que ce n’était pas extraordinaire non plus, mais quand même moins pire. Cependant, il y a vraiment un domaine où c’était très difficile : les ballons au cordeau. Là encore, donc, c’est plus au sol que dans les airs que le bât a blessé. Un réglage supplémentaire à apporter…

POREUX MAIS COMBATIF


Plus précisément, par où passaient ces attaques adverses de plein jeu ? La réponse est… partout ! Sur ces actions, un tiers des buts ont été construits sur le flanc droit de l’Impact, près de 31% sur le gauche et 36% dans l’axe. Cela dit, cette latéralité est tout sauf équilibrée en MLS, où la friabilité des défenses fut cette année à 27% leur flanc droit, à 34% leur flanc gauche et à 39% l’axe. Cela permet de relativiser et de se comparer.

Si plus près du but, les problèmes sur jeu rapide étaient moins flagrants qu’à bonne distance, sur l’ensemble du terrain, c’était un aspect en dessous de la moyenne. Malheureusement, la mise en place défensive était loin d’être aussi solide que sous Rémi Garde, et les adversaires ont aussi régulièrement marqué en posant leur jeu dans le camp de l’Impact. Bilan : de plein jeu, il y a des carences offensives mais aussi défensives dans de très nombreux domaines.

Terminons quand même avec quelques notes positives. Enfin, la première est du vert entouré de deux gros points rouges, enrobée de mystère et pas aisée à interpréter : la bonne tenue défensive dans le deuxième quart d’heure, avec seulement trois buts encaissés à ce moment-là du match (seuls Philadelphie et Seattle font mieux). Ce qui contraste toutefois énormément avec le début de match (7 buts encaissés, personne ne fait pire) et surtout des fins de première mi-temps lamentables (14 buts contre, soit trois de plus que le deuxième plus mauvais élève et cinq de plus que le troisième !)

L’autre fera bien davantage plaisir à Thierry Henry et ne souffre aucun bémol. Un des aspects sur lesquels l’entraîneur a souvent insisté, qui se remarque tant sur phase arrêtée que de plein jeu, c’est la combativité défensive. Si devant le but adverse, l'agressivité positive n’aide pas forcément à viser juste, devant le sien, elle permet d’arriver au ballon en premier et de faire le ménage, de façon plus ou moins académique. Et là, parmi les rares bons points de l’année, on a dénombré peu de buts encaissés après un tir adverse repoussé. Il y avait donc de l’attention et de la réaction pour être premier au rebond et ne pas laisser de deuxième chance de marquer à l’autre équipe.

SYNTHÈSE


On nous avait promis un IMFC nouveau, et en effet, les intentions ont complètement changé par rapport à ce qu’on a connu depuis 2012 et le nouvel entraîneur leur a permis de prendre le dessus sur un ancien naturel qui était parfois revenu au galop malgré la bonne volonté de certains de ses prédécesseurs. Cela dit, en termes d’efficacité, on est encore loin du compte. Nouveau départ, changements drastiques mais aussi quarantaines y ont leur part de responsabilité.

Ainsi, l’importance accordée à la mise en place défensive par Rémi Garde a cédé le pas au désir de poser le jeu dans le camp de l’adversaire, en construisant de l’arrière. La défense a été souvent décriée cette saison, et il est vrai que les bons points constants ont été rares derrière. Ceux qu’on a le plus souvent observés sont la combativité et le peu de buts encaissés sur coup franc ou sur penalty, grâce entre autres à une capacité de ne pas concéder trop de fautes dans des zones dangereuses.

La liste des faiblesses défensives, elle, est bien plus longue. Des corners aux buts venus de loin, en passant par les débuts de match, les fins de première mi-temps ou le jeu au sol, il y aura énormément de corrections à apporter pour la saison prochaine. C’était insuffisant dans tous les domaines de plein jeu, avec souvent une trop grande prise de risques laissant des espaces mais parfois une tendance à trop reculer : Thierry Henry doit encore trouver le bon réglage pour la hauteur de son bloc.

L’attaque a peiné dans tous les domaines de plein jeu, et plus particulièrement sur les reconversions rapides, sa marque de fabrique depuis l’arrivée du club en MLS. Si ne pas s’appuyer avant tout sur celles-ci mais sur du jeu dominant a été gage de succès pour quasiment tous les vainqueurs de trophées de la dernière décennie en MLS, on peut de moins en moins arriver à briller sans elles, à moins d’être extrêmement performant sur les centres et hermétique défensivement dans le cours du jeu, comme Columbus.

On en était loin à l’Impact, dont les flancs ont été beaucoup trop peu productifs offensivement. Quand Montréal prenait le jeu à son compte, il peinait à être efficace une fois installé dans le camp ennemi. En revanche, il était au-dessus de la moyenne pour déséquilibrer l’adversaire d’une accélération venue du rond central voire de plus loin. Ce qui, admettons-le, a bien moins souvent l’occasion de se produire.

Collectivement, les phases arrêtées ont été la principale satisfaction offensive, notamment les coups francs. En souhaitant passer du temps dans la moitié de terrain adverse, l’équipe a pu s’en procurer davantage ce qui a, en partie, compensé ses faiblesses dans le cours du jeu.

Individuellement, un homme sort clairement du lot : Romell Quioto. Non seulement pour ses buts, mais aussi pour ses passes décisives. Quand il était absent où improductif, l’équipe prenait beaucoup moins de points… ce qui prouve qu’elle en était trop dépendante. La façon dont il a été impliqué dans les buts a prouvé sa polyvalence, appuyée par le fait qu’il soit dans les meilleurs de MLS dans diverses catégories. Mais son passé illustre qu’il a encore d’autres atouts, pas exploités cette saison, qui pourraient, si ses équipiers se mettent au diapason, permettre de combler certaines carences collectives. Encourageant pour l’avenir !

CONCLUSION : HENRY ET LE MODÈLE PHILADELPHIE


C’est d’ailleurs sur une note d’optimisme que nous terminerons. Thierry Henry cite souvent Philadelphie en exemple. Quand on observe les débuts de cette équipe sous Jim Curtin… le parallèle saute aux yeux. Lui aussi, malgré un effectif limité et jouant très loin du haut du tableau, a voulu poser le jeu dans le camp de l’adversaire (ce qui me fait le tenir en haute estime). Malgré les résultats décevants, voire des rumeurs de limogeage, il a insisté. En MLS, c’est une exception (Adrian Heath et Matias Almeyda font partie des rares autres exemples, même si le premier a adapté son style après la première saison portes ouvertes de Minnesota).

Ainsi, patience et recrutement appropriés lui ont permis de faire évoluer son équipe, sans dépenses folles, vers les standards de jeu qui permettent d’obtenir du succès en MLS. Et depuis quelques années, Philadelphie jouait régulièrement dans ce qu’on appelle communément le subtop (entre le haut et le milieu du classement).

Mais l’absence de vedette et l’évolution du jeu l’empêchaient de franchir la haute marche le séparant des sommets. Tout en conservant son ADN, cette saison, il est aussi devenu performant sur reconversions rapides, grâce notamment à Brendan Aaronson et Sergio Santos. Un plan A efficace, un plan B qui permet de trouver des solutions alternatives, un jeu adapté aux réalités de la MLS et à l’évolution du sport… et bingo, l’Union a terminé en tête du classement général en 2020 !

Le Montréal de Thierry Henry va-t-il suivre cette voie ? Le modèle cité et les intentions affichées montrent que c’est en tout cas dans cette direction qu’on regarde. Reste désormais à effectuer les choix les plus appropriés pour s’y rendre. On a hâte de voir les pas accomplis vers l’avant en 2021 !

Les bilans de la saison 2020 sur ImpactSoccer.com
1. Le bilan du club
2. Aperçu général de la saison
3. Les joueurs sous la loupe
4. Stats en vrac
Matthias Van Halst, en collaboration avec Christian Schaekels
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Saturday 30 March, 19:30

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Chicago - Montreal4-3
Saturday 16 March, 14:00

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PPts
  1. Miami510
  2. Minnesota410
  3. Columbus410
  4. Cincinnati48
  5. Portland47
  6. MONTREAL47
  7. Vancouver37
  8. New York47
  9. Toronto47
10. Atlanta36
11. LA Galaxy46
12. St. Louis46
13. Nashville46
14. Kansas City46
15. DC United45
16. Colorado45
17. Chicago44
18. Salt Lake44
19. Charlotte44
20. Houston34
21. Los Angeles FC44
22. Philadelphia44
23. Dallas43
24. New York City43
25. Austin43
26. Seattle43
27. Orlando41
28. New England40
29. San Jose40
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16/3 - Miami - Montréal : l'homme de la saison par Bxl Boy

16/3 - Montréal - Chicago : l'homme de la saison par Kleinjj

16/3 - Chicago - Montréal : samedi 16 mars, 14h00 par Bxl Boy

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 Vilsaint
 Martinez
 Alvarez
 Ibrahim
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1. Sirois
2. Piette
3. Gregório Teixeira
4. Coccaro
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